C’est quand même spécial, quand on pense que plusieurs résidents de l'île Sainte-Thérèse peuvent dire qu’ils y sont depuis la naissance. C’est le cas de mon frère Cédric, ma cousine Valérie et moi. Nous sommes presque venus au monde sur l'île Sainte-Thérèse. Cédric et Valérie avaient à peine un mois lorsque nos parents les ont transporté en bateau vers l'île. Cette île et son fleuve, nous les respirons depuis. De génération en génération.

Notre enfance a été merveilleuse; nous courions à travers l'île, d’un chalet à l’autre, afin de visiter la famille. Nous avions la chance que plusieurs membres de la famille avaient des chalets sur l'île à cette époque. Tous rassemblés ensemble pour profiter de la saison estivale.
J’ai plusieurs souvenirs marquants de cette enfance à jouer dans les bois, à courir les couleuvres et les grenouilles. Le bonheur dans la simplicité. Nous n’avions pas besoin de grand chose. Notre oncle Réjean nous emmenait parcourir l'île des journées entières à la chasse aux grenouilles. Nous nous amusions aux soirées de Bingo et aux épluchettes à la grange avec toute la communauté de l'île.
Maintenant que je suis moi-même maman, je réalise à quel point c’était de l’organisation pour mes parents qu’on passe nos étés sur l'île. Sans ressources. Sans eau courante. Le seul moyen de transport était par chaloupe. Je vois encore mon père partir chaque matin en chaloupe et revenir le soir après sa journée de travail. Je vois encore mes parents, grands-parents, oncles et tantes travailler toutes les fins de semaine à entretenir notre petit coin de paradis. À entretenir le jardin et le toît pour nous nourrir et nous héberger. À éliminer les vignes afin de préserver les arbres majestueux qui y règnent depuis des décennies.
Comme l’histoire se répète, aujourd’hui c’est à notre tour de passer la semaine à organiser notre fin de semaine au chalet afin de permettre à nos enfants de profiter de cette vie. Nous ne pouvons plus passer nos étés entiers sur l'île, la société ayant bien changé, mais chaque fin de semaine nous en profitons au maximum. Lorsque je les regarde en début de saison chercher les couleuvres ou les grenouilles ou encore essayer de se construire un abri de survie avec ce qu’ils trouvent dans la nature, je me revois à leur âge.
C’est maintenant à notre tour de combattre les vignes afin de sauver nos arbres. De construire des murs de pierres afin de protéger nos berges de l’érosion. À chaque début de saison nous partons à la chasse aux trésors sur les berges. Trésor est un bien grand mot. Il ne faudrait pas le dire aux enfants, mais, en réalité, nous nettoyons les berges de l'île de tous les déchets apportés par le fleuve. Selon mon frère, cette année nous avons ramassé quinze chaloupes bien remplies de déchets. Nous le faisons parce que nous l’aimons notre île et nous la voulons belle et en santé pendant des décennies encore. Nous en sommes les gardiens.
J’ai le souhait d’y voir grandir mes enfants et leurs enfants, tout comme ma grand-mère Lépine, qui a pu y voir grandir ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Aidez-nous à répéter l’histoire.
- Caroline Savaria, membre du Conseil d’administration de l’ACIST